La CNIL préconise un "audit-diversité"

Publié le par Typhanie B

Article paru sur Focus RH en 2007


 

Dans une démarche de lutte contre la discrimination, la CNIL vient de publier 10 recommandations pour les entreprises et la statistique publique concernant les données ethno raciales. Dans ce contexte, l’"audit-diversité" pourrait voir le jour au sein des entreprises.

Les recommandations de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) s’adressent à la fois aux entreprises et à la statistique publique. Cependant, dans un milieu professionnel, il apparaît souvent encore plus délicat de sonder les gens sur leur origine ethnique. Non seulement ces informations relèvent de la sphère privée, touchant à l’intimité profonde de l’individu. Mais surtout, la crainte de la discrimination au travail, entre autre à l’embauche, pèse lourd. Preuve en est : le CV anonyme, une idée lancée par SOS Racisme en 1999. De nombreuses personnalités politiques se sont déclarées en faveur de ce dispositif : Jacques Chirac, après les émeutes dans les banlieues en novembre 2005, ou encore Jean-Pierre Raffarin lors de la première Conférence Nationale sur l’Egalité des Chances, le 3 février 2005. Malgré le débat, la polémique entre DRH, le CV anonyme est rendu obligatoire par la loi du 31 mars 2006. Un an plus tard, il n’est toujours pas monnaie si courante.

 

Difficile de mesurer la diversité


Aujourd’hui, il n’est pas possible de mesurer la diversité en France et, plus précisément au sein des entreprises. La CNIL souhaite donc ouvrir plus largement aux chercheurs de l’INSEE, l’accès aux bases de données statistiques et aux fichiers de gestion des entreprises.

En publiant ces recommandations, la CNIL a également souhaité corriger un malentendu, selon lequel « de même qu’elle serait un frein à la recherche, la CNIL ne réaliserait pas l’importance pour les entreprises, de mettre en place des outils contre la discrimination ». Pour rétablir la vérité, la CNIL précise donc dans son rapport qu’elle souhaiterait voir s’instaurer des « audits diversité » dans les entreprises et les administrations. Ces enquêtes pourraient avoir lieu tous les ans dans les grandes entreprises ou celles qui ont adhéré à la charte de la diversité. Un seul objectif, toujours le même : lutter contre les discriminations. Ces enquêtes devraient évidemment tenir compte des recommandations concernant l’ascendance, l’analyse du prénom et la confidentialité. Si l’audit est réalisé dans les règles, et à des fins de mesure statistique, le CNIL n’y voit aucun danger au regard de la loi « informatique et liberté ». En revanche, s’il s’agit d’identifier l’origine raciale ou ethnique des personnes, ni l’origine familiale ni l’adresse ne peuvent être sujets à analyse.

La question des statistiques ethniques est un dossier sensible. La grande majorité des personnes qui ont participé à cette étude est hostile à une nomenclature ethno raciale. C’est la conclusion principale. Pour certains, établir des catégories restent essentiel si l’on souhaite mesurer la diversité, mais nécessite une démarche « prudente et progressive ».

 

Des données sensibles


Les entreprises souhaitant mesurer la diversité au sein de leur établissement doivent donc y aller avec des pincettes. La CNIL leur recommande de privilégier les données relatives à l’ascendance des personnes. Interroger sur la nationalité et/ou le lieu de naissance des parents ou grands-parents permet de dresser un portrait, ou plutôt une esquisse, du visage de la population d’une entreprise. Pour le moment, ce type de questions reste fiable et n’engage pas d’interroger directement une population sur ses origines ethno raciales. En Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis en revanche, la donne est différente et les termes de catégorisation tels que « blanc, métis, asiatique, noir, hispanique » sont courants. En France, la majorité de la population n’est pas prête à être ainsi classifiée.

L’entreprise peut recourir à l’analyse du prénom des personnes. Mais cela ne doit, en aucun cas, donner lieu à un classement par groupe de personnes, relatif à une origine ethno raciale. La CNIL préconise ici un classement des données en tant que "potentiellement discriminant/non discriminant".

Enfin, la CNIL met l’accent sur la confidentialité. Pour éviter toute brêche dans les libertés individuelles de chacun, les entreprises devront faire appel à un comité scientifique qui supervisera les opérations. Par ailleurs, chaque individu sondé devra être tenu au courant de l’enjeu de l’enquête et les informations données devront rester secrètes pendant et après l’audit.

 

Une lutte qui s’inscrit dans la durée


La lutte anti-discrimination est un combat de tous les jours pour la CNIL. Mais c’est aussi un combat de toujours, qui remonte aussi loin (si l’on peut dire) que 1948. Dans la lignée de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, de nombreuses législations interdisent toute discrimination. Elles ne concernent d’ailleurs pas seulement les ségrégations raciales. La directive communautaire du 9 février 1976 concerne, par exemple, l’égalité Homme/Femme. Et le 12 juillet 1990, est apparue une loi bannissant les discriminations fondées sur l’Etat de santé ou le Handicap.

En ce qui concerne les discriminations raciales, le débat est permanent et délicat. La question de l’origine d’un individu est souvent difficile à aborder, mais aussi à déterminer. Sur quoi se baser ? La nationalité ? Celles des parents ? L’orthographe du nom de famille ? Ce sont autant de questions que les chercheurs et statisticiens de la CNIL se sont posées. Et s’il n’y avait qu’une conclusion à retenir de cette étude, ce serait la nécessité, pour lutter concrètement contre les discriminations, de parvenir à une mesure statistique de la diversité. Ce à quoi les français ne semblent pas (ou plus) s’opposer. Un sondage Eurobarometre, réalisé en juin juillet 2006, montre que plus des 2/3 de la population accepterait de communiquer des informations anonymes concernant son origine ethnique dans le cadre du recensement, « si cela pouvait aider à lutter contre les discriminations ».

Publié dans Ressources Humaines

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