Montevideo d'Ann-Christine Wöhrl

Publié le par Typhanie B

Article non publié


 

 

Sur la couverture en noir et blanc se détache le nom de la capitale de l’Uruguay : Montevideo est inscrit en lettres blanches, entre la façade claire d’un immeuble et les feuilles d’un palmier en contre-jour.

 

Montevideo, de la photographe allemande Ann-Christine Wöhrl, n’est pas un guide touristique. Montevideo, c’est une partie de la passion que la photographe voue à la culture latino-américaine. Montevideo, c’est un ouvrage qui fait partie d’un tout, d’un travail sur les sociétés qui obsèdent l’objectif d’Ann-Christine Wöhrl depuis la fin des années 90*.

 

Du général au particulier

 

La Colombie, le Mexique, l’Uruguay, Cuba, autant de destinations exotiques à l’œil européen, et pourtant si familières une fois capturées. A se tourner vers cette partie du monde, on imagine facilement un trop plein de couleurs, vives et contrastées. Mais c’est en noir et blanc, un mode que la photographe privilégie, qu’elles sont immortalisées, comme pour mieux représenter ce passé omniprésent chez les habitants de Montevideo.

 

Le livre, publié aux éditions Le Passage en France et Larivière en Argentine, cache une progression logique mais tacite : du plus impersonnel au plus intime. Aucun titre, aucune sous-partie, aucun commentaire. 120 pages de photos et de photos seulement.

 

On y découvre d’abord un paysage de nuit, qui vient illustrer l’introduction de l’essayiste Rodolfo M. Fattoruso, « Regards vers la mer ». Puis des parcelles de ville : la Place Independencia, la Rambla, le Théâtre Solis, l’hôpital italien. Enfin les portes s’ouvrent. On découvre les intérieurs, meublés mais vides de toute autre trace humaine, d’Alfredo et Bettina Etchegaray et de Pedro Nicolas Baridon.

 

Le décor est posé, les photos prennent vie, Montevideo se réveille et ses habitants n’échappent plus à l’objectif. Des scènes de rue, des portraits d’inconnus, des « photos de famille », des instants d’existence partagés par les foules et finalement une série de portraits d’artistes bien connus, semble-t-il, de la photographe. C’est la lumière d’un atelier, sombre et tamisée, qui clôture le livre d’Ann-Christine Wöhrl, un écho au premier cliché.

 

Montevideo « érigée comme un mur de défense plutôt que comme une ville » (Rodolfo M. Fattoruso) laisse ici tomber ses murailles imprenables et se laisse envahir, sans résistance, par la photographe allemande. Si elle n’apparaît pas sur les photos, on la devine dans les yeux de ses sujets qui, souvent, la fixent du regard.

Ann-Christine Wöhrl se veut discrète mais présente, invisible mais ressentie, lorsqu’elle capture, sans jamais dérober, ces moments d’intimité.

 

La juxtaposition de certaines photos est parfois surprenante. Sur la page de gauche, des pièces à vivre – sans vie -, celles de ses amis. Sur la page de droite, une salle à manger, celle du Palais Taranco, aujourd’hui musée des Arts Décoratifs. Comme si, hors du cadre de ces trois photos de la même double-page, un écriteau interdisait le passage de l’autre côté de la corde de sécurité !

 

Vie privée, vies mêlées

 

Montevideo s’éveillent sur ses ancêtres enterrés, ses pêcheurs du Rio de la Plata, ses amateurs de maté, ses promeneurs de chiens, ses écoliers en uniforme, ses danseurs de tango, ses marchands d’antique argenterie. Les portraits en situation d’Ann-Christine Wöhrl sont variés, différents, étonnement colorés… à l’image de la population de la capitale uruguayenne.

 

Du vide qui régnait devant les monuments endormis, on est passé à la foule qui envahit les rues, pendant la fête de Yemanja, la feria de Tristan Narvaja, la campagne électorale, l’investiture du Président Jorge Luis Battle ou encore un match de foot.

 

Les clichés festifs se succèdent, sans différencier un événement de l’autre. Dans cette suite photographique se confondent toutes les manifestations, religieuses, sportives, politiques. Un seul dénominateur commun : l’enthousiasme.

 

Vous avez un message.

 

Devant la Casa del Gobierno, la photographe capture les regards tournés dans la même direction. La légende de la photo cite le Président mais ne le nomme pas, tandis qu’aucun de ses derniers portrait n’est anonyme. Sur les drapeaux, on ne devine qu’une lettre ou deux de Battle.

 

Les photos d’Ann-Christine Wöhrl ne trahissent pas de message politique. Si ce livre parle de mixité, il n’aborde pas le débat racial. S’il témoigne de scènes de rue, il n’évoque pas la pauvreté héritée de la dictature militaire. Si les églises et les cimetières y ont leur place, il ne traite pas de religions. La mort, loin d’y apparaître comme le dénouement ultime de toute existence, n’y est que le témoin du passé.

 

Nu de toute identité, vidé de tout sentiment de conflit, l’humain et son « contenu », la ville, sont livrés sans contraste, sans jugement, sans indication pour le curieux qui prendra ce livre comme une invitation à Montevideo.

 

« La ville n’est pas une œuvre, c’est un processus.

Elle est à la fois une et multiple.

Passé et présent.

Témoignage et prophétie. »

 

(Extrait de la préface)

Mariano Arana, Maire de Montevideo

 

Montevideo, de la photographe allemande Ann-Christine Wöhrl, n’est pas un guide touristique. Il ne montre pas les plages dorées de l’Uruguay. C’est le récit d’un voyage que nul ne pourra reproduire. Celui de la photographe, de ses rencontres, de ses moments capturés, des rues qui lui sont aujourd’hui familières, des devantures de cafés devant lesquels elle s’est arrêtée…au hasard de SA découverte.


* Habanos mi amor (1998) et Die Frauen von havanna (2001)

 

 

 

Montevideo

Photographies d’Ann-Christine Wöhrl

Editeur : Le Passage (2003)

126 pages

ISBN 2-84742-040-1

 

Publié dans Culture

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